Un projet-pilote aux multiples visages
En avril dernier, avec mon amie artiste Éléonore, nous avons lancé une série de trois ateliers créatifs à destination des enfants de 10 à 12 ans : « Se découvrir en créant ». Une première. Un test. Une expérience à la croisée de nos deux univers : la création artistique et l’accompagnement thérapeutique, sans visée clinique ni d’interprétation : il ne s’agissait pas d’art-thérapie, mais bien d’un espace de développement personnel par la créativité.
Notre intention : offrir aux enfants un espace doux, sécurisant, joyeux, pour explorer des thèmes profondément humains – leur identité, leurs relations, leur place dans le monde – à travers l’art, la nature et l’exploration des émotions dans une approche créative et éducative.
Durant trois samedis consécutifs, nous avons abordé ces thématiques en créant :
- un mobile (Mon identité et mon équilibre),
- un tissage (Mes liens, mes relations),
- un bol en poterie (Ma place dans le monde).
Pas de performance, pas de jugement. Seulement le plaisir d’expérimenter, de créer, de s’exprimer.

Ce que les enfants m’ont appris
J’ai été touchée par la surprise sincère des enfants lorsqu’en début d’atelier, nous leur disions : « Ici, il n’y a pas d’erreurs. Vous ne pouvez pas vous tromper. » Ce n’était pas un slogan. C’était un engagement. Et pour beaucoup, c’était nouveau et libérateur.
Au fil des ateliers, j’ai observé :
- leur curiosité émerger face à la matière,
- leur courage à se lancer dans quelque chose d’inconnu,
- leur persévérance, même quand le résultat ne correspondait pas à leurs attentes.
Mais surtout, j’ai appris à respecter le rythme propre à chacun, à attendre la connexion sans la forcer. Certains enfants ont mis du temps avant de s’ouvrir. D’autres ont plongé tout de suite. Et tous, à leur manière, ont laissé une trace.
En les observant, j’ai mesuré à quel point la créativité peut être une porte d’entrée vers la connaissance de soi. Leurs gestes, leurs doutes, leur audace traduisaient un véritable travail émotionnel — souvent silencieux, mais profondément transformateur.

Ce qui m’a profondément touchée aussi, ce sont les parents. À la fin de chaque atelier, ils venaient vers nous avec une vraie curiosité : « Comment ça s’est passé ? ». Je leur partageais un retour sur le vécu émotionnel de leur enfant, tandis qu’Éléonore parlait du processus créatif. Ces échanges, brefs mais denses, avaient quelque chose d’intime. C’était précieux de voir ces parents découvrir leur enfant sous un autre angle — celui du vécu émotionnel et créatif, loin du cadre habituel scolaire ou celui du réseau de la santé. Beaucoup semblaient émus, les yeux brillants, comme s’ils retrouvaient un lien différent avec leur enfant. Ces moments, à la fin de chaque atelier, sont devenus presque rituels.
Ma posture d’accompagnante : ni animatrice, ni éducatrice
Je ne suis pas une animatrice de camp de jour. Pas non plus une professeure d’arts plastiques. Dans ces ateliers, je suis venue en tant qu’adulte bienveillante et thérapeute, portant une attention fine à ce qui se passe à l’intérieur, autant qu’à ce qui se crée à l’extérieur.
Cela m’a demandé de :
- garder ma conviction intime que semer des graines est en soi suffisant,
- provoquer des discussions, même si les regards sont fuyants ou les réponses absentes,
- me nourrir des observations individuelles pour proposer des réflexions collectives,
- soutenir l’expression émotionnelle de chacun et encourager les liens entre ce qu’ils vivaient dans l’instant et ce qui se passait à l’intérieur.
J’ai proposé des mots, des images, des façons de nommer ce qui est parfois si flou à cet âge. Et j’ai vu naître des étincelles de conscience.
Ces petits miracles que j’ai vus éclore
Il y a eu ces yeux brillants devant une création qui prend forme. Ce souffle qui s’apaise quand l’environnement devient prévisible et sécurisant. Ce regard qui s’affirme quand un enfant ose dire : « Non, je veux faire autrement » ou « J’ai besoin d’aide ».
Il y a eu aussi ce témoignage d’un parent, reçu en fin de parcours, qui résume à lui seul la justesse de ce que nous avons tenté d’offrir :

Et puis il y a ce coco, venu à reculons, qui dit avec fierté devant le groupe, en décrivant son tissage : « J’ai commencé de manière très serrée, méthodiquement, puis je me suis laissé aller et j’ai fait un truc plus fou fou. C’est ce que je fais avec mes amis aussi, quand je me sens en sécurité.»
Ou cette cocotte qui a recommencé 3 fois à pétrir sa boule d’argile car elle n’aimait pas la forme de son bol, jusqu’à ce qu’elle lâche prise sur son idée et décide d’écouter son intuition.
Une expérience à refaire ?
Quand nous avons lancé cette série, nous ne savions pas vraiment si cela allait fonctionner. Est-ce que les enfants allaient adhérer à cette proposition singulière ? Est-ce que les parents allaient comprendre notre intention ? Est-ce que nous allions réussir à conjuguer art et développement personnel avec justesse ?
Les retours ont été clairs. Les enfants en redemandent. Les parents aussi. Certains nous ont dit : « C’est rare, des espaces comme celui-là. » D’autres nous ont écrit pour nous dire que leurs enfants étaient plus confiants, plus posés, fiers d’eux-mêmes.

Et nous ?
Nous avons été profondément nourries par cette expérience. Nous ne savons pas encore si ni quand nous la renouvellerons. Mais une chose est sûre : ces samedis ont semé quelque chose. Et il y a fort à parier que d’autres formes d’exploration verront le jour.
En guise de conclusion
Accompagner ces enfants a confirmé en moi un élan que je connais bien : celui de créer des ponts entre le monde intérieur des enfants et ce qui les entoure. Celui de leur offrir un espace pour apprendre à se dire, se connaître, se relier.
Je repars de cette expérience plus enracinée encore dans ma posture de thérapeute, convaincue qu’il existe mille façons de soutenir les jeunes dans leur développement affectif et relationnel — et que l’art en est une puissante.
Si vous souhaitez être informé·e·s d’un éventuel retour de ces ateliers, ou si vous sentez qu’un accompagnement individuel pourrait soutenir votre enfant dans cette voie, n’hésitez pas à me contacter.