Diviser pour mieux s’aimer. C’est sous ce titre que je suis récemment intervenue dans un article publié dans le magazine Véro. Le sujet ? Une pratique à la fois simple et puissante : passer du temps seul avec un enfant, loin de la fratrie et du tumulte familial.
En tant que TRA, Thérapeute en relation d’aideMD spécialisée auprès des enfants et des adolescents, je constate combien ces moments privilégiés peuvent transformer le lien parent-enfant. Il ne s’agit pas d’une récompense mais d’un besoin relationnel essentiel. Ces tête-à-tête nourrissent la relation, renforcent le sentiment de sécurité et permettent à l’enfant d’être vu, entendu, accueilli.
Un levier simple pour un attachement sécurisant
Ces moments favorisent un attachement sécurisant. Dans la théorie de l’attachement (Bowlby, Ainsworth), un enfant qui se sent en sécurité avec ses figures d’attachement développe une meilleure capacité à explorer, à apprendre et à créer des liens. Cette sécurité affective repose sur des interactions régulières où il ressent que la personne qui prend soin de lui est :
- accessible émotionnellement,
- attentive et sensible à ses besoins,
- prévisible dans ses réactions,
- et capable de le réconforter lorsqu’il est en détresse.
Ce lien parent-enfant solide se construit dans la répétition de moments où l’enfant se sent accueilli sans jugement, écouté avec attention, soutenu dans ses émotions et compris. Des moments seul à seul avec un parent, même brefs, favorisent cette sécurité.

Être vu et entendu sans partage d’attention
Dans l’article, je rappelais que chaque enfant est unique, avec son propre rythme, sa sensibilité, ses besoins, ses tempêtes intérieures. Partager un moment en tête-à-tête avec son enfant, c’est lui dire : « Je te vois. Tu existes pour moi. Tu comptes. »
Loin de la fratrie, l’enfant peut :
- déposer ce qu’il porte (questions, émotions, fiertés),
- se libérer des rôles ou des étiquettes qu’il endosse dans la dynamique familiale (le grand, la sensible, le rebelle),
- se sentir accueilli pour qui il est vraiment.
Ces moments deviennent un miroir sain dans lequel il peut se construire avec confiance.
Temps de qualité parent-enfant : la qualité avant la quantité

Ces moments n’ont pas besoin d’être longs, organisés ni coûteux. Ce qui fait la différence :
- la présence réelle (sans téléphone),
- l’écoute sincère (sans diriger la conversation ni corriger),
- la curiosité bienveillante (sans attente de performance),
- la simplicité (un détour, un moment partagé à plier le linge, une marche).
Ces instants de temps de qualité parent-enfant ne sont ni un privilège ni une récompense, mais une forme d’hygiène émotionnelle. Un rendez-vous affectif, comme un « check-in » du cœur.
« Ça répond à un besoin fondamental chez l’enfant : être reconnu comme un individu à part entière. Chaque enfant a son propre rythme, ses propres besoins. Passer du temps seul avec lui permet d’approfondir et de respecter ça »
Quelques pistes
- Expliquer l’intention : « J’ai envie d’être avec toi, sans qu’on soit pressés. » Ou encore : « Parfois, c’est bien d’avoir un moment juste nous deux, pour qu’on puisse mieux se parler et faire des choses qu’on aime ensemble. Mais on aime aussi être tous ensemble, c’est un équilibre. » Et pour les ados, on peut leur demander leur avis : « Est-ce que parfois, tu aimerais qu’on passe un moment juste nous deux ? Qu’est-ce que tu aimerais faire ? »
- Rester flexible : ne pas se fixer un horaire rigide ou un programme précis.
- Ne pas survaloriser ces moments : éviter d’en faire un événement rare ou exceptionnel.
- Varier les activités : ne pas faire systématiquement la même chose.
- Encourager aussi les moments de groupe : pour maintenir une bonne dynamique familiale.
- Lâcher la pression de performance. Pas besoin d’être parfait. Il s’agit d’être suffisamment présent, suffisamment connecté.
Équité plutôt qu’égalité
Un piège fréquent : vouloir traiter chaque enfant de manière strictement égale. « Si j’ai fait une activité avec l’un, il faut que je le fasse avec l’autre. » Ce réflexe part souvent d’une bonne intention, mais il peut devenir une pression. La parentalité bienveillante, c’est aussi reconnaître les besoins spécifiques de chacun.
Certains enfants ont besoin de plus de proximité, d’autres de calme, d’autres encore d’un espace pour ventiler ou créer. Ce n’est pas la quantité, mais la pertinence qui fait la différence.
L’important, c’est d’ajuster en conscience, pas de compter les minutes.
Nommez vos intentions à vos enfants. Expliquez vos choix, vos limites, votre désir sincère de les aimer avec justesse. Cela désamorce bien souvent les tensions.

Et si je crains de créer de la jalousie ?
C’est une question fréquente et très légitime. Mais bien souvent, cette crainte vient de l’histoire émotionnelle du parent lui-même : comparaison dans sa propre fratrie, manque d’attention ou sentiment d’injustice. Alors, sans vous en rendre compte, vous protégez vos enfants d’un vécu que vous avez connu. C’est ce qu’on appelle, en relation d’aide, un transfert émotionnel : on projette son histoire passée dans la réalité présente.
Prendre conscience de ce que cela éveille en soi permet d’agir avec plus de liberté. Cela peut passer par :
- une discussion avec l’autre parent si c’est une possibilité,
- un soutien thérapeutique si l’émotion est vive,
- ou simplement une permission intérieure de faire autrement, en partant des besoins réels de vos enfants.
Quand l’enfant ne peut pas se distinguer dans la fratrie

Lorsqu’un enfant ou un adolescent ne vit jamais de moments où il est accueilli pour qui il est, en dehors de la fratrie ou des rôles familiaux, il peut développer :
- une difficulté à se sentir légitime dans ses émotions,
- une tendance à s’effacer ou à se fondre dans le groupe,
- une recherche constante de validation,
- ou au contraire, une fermeture affective.
Lui offrir un moment rien qu’à lui, c’est lui permettre de se différencier sainement, de se découvrir, de s’affirmer.
Et si ce n’est pas toujours possible ?
Dans certaines familles, la réalité logistique rend ces moments plus rares. Ce n’est pas grave. L’intention, la cohérence et la régularité comptent plus que la fréquence. Et parfois, d’autres adultes (marraine, grand-parent, adulte significatif) peuvent devenir des alliés pour offrir ce temps de qualité à l’enfant. Après tout, on dit souvent que ça prend un village pour élever un enfant!
Conclusion : nourrir le lien, tout simplement
Offrir un moment seul à chaque enfant, c’est lui dire sans mot : « Tu as ta place. »
Ces moments en tête-à-tête avec son enfant ne sont pas obligatoires. Ce sont de belles opportunités pour changer la relation parent-enfant. Quand chaque enfant se sent reconnu, la coopération augmente, la rivalité diminue, et l’amour circule mieux. Et parfois, cela transforme profondément l’ambiance familiale.

Envie de réfléchir à comment intégrer cela dans votre quotidien ou de comprendre ce que cela éveille en vous ? Je vous accompagne avec douceur et bienveillance, non pour vous dire quoi faire, mais pour explorer ensemble ce qui vous habite.
Je suis aussi là pour vos enfants et ados, pour les aider à mieux se connaître, apprivoiser leurs émotions et renforcer leur confiance intérieure.
Prenez rendez-vous ici pour cultiver des relations familiales plus saines et authentiques.